mercredi 1 octobre 2014

Mayotte

Voici maintenant 4 semaines que je suis arrivée à Mayotte. Je viens de relire mon tout premier billet, celui de mon tout premier séjour à St Andrews, il y a plus de quatre ans et ce début de vie mahoraise ne pourrait pas être plus diamétralement opposée de cette première expérience écossaise!



Evidemment, il y a la météo: ce n'est pas très fair-play de comparer St Andrews au mois de janvier 2010 (hiver très froid avec beaucoup de neige, pour les mémoires courtes) avec l'hiver austral de Mayotte. Tout le monde me le dit, en ce moment il fait plutôt frais (je crois que certaines personnes disent même 'froid', mais je ne peux vraiment pas utiliser ce mot), c'est-à-dire entre 25 et 29 °C en moyenne sur la journée! Même moi qui aime la chaleur et qui suis contente à l'idée de ne plus avoir froid aux pieds et aux mains, au plus chaud de la journée il est quand même difficile de rester en plein soleil! D'ici un mois ou deux au mieux, les alizés arrêteront de souffler et l'humidité s'installera. D'ici là, j'aurai le bon reflexe quand je sortirai avec les étudiants sur le terrain et je n'oublierai ni crème solaire ni chapeau pour éviter l'énorme coup de soleil de mercredi dernier!

Ensuite, il y a le logement. J'avais trouvé par le biais des petites annonces un couple (elle belge, lui comorien) qui sous-loue une chambre dans leur maison de Tsounzou 1.  J'ai donc découvert ce que l'on appelle la maison mahoraise: faite de béton, à toit plat pour pouvoir rajouter un étage plus tard, avec barreaux aux fenêtres et pas du tout prévu pour le climat locale. Il y fait sombre, donc lumière allumée constamment, et ce n'est pas du tout ventilé, donc utilisation de climatisation ou de ventilateur…. Parfait pour l'écologie tout ça! Heureusement mes 'colocs' étaient sympas, ce qui a compensé avec leur mode de vie un peu trop 'camping' à mon goût et j'ai tout de suite découvert des aspects de la culture mahoraise sur l'utilisation de plantes locales, très utile pour mes cours à l'université! Sortie de la maison, le cadre est également très… local! Les quelques maisons mahoraises sont entourées de bangas, c'est-à-dire des maisons faites d'un sol en terre battue ou en béton au mieux et de quatre murs de tôle ondulée où des familles nombreuses vivent dans une ou deux pièces avec tout juste un carré de douche/toilettes à l'extérieur. Ça c'était pour le côté 'confrontation avec l'une des réalités de Mayotte', à savoir l'émigration. C'était des gens qui avait l'air parfaitement gentil, là n'est pas la question, mais pour une première approche je crois que c'était un peu trop pour moi. Surtout quand ma coloc m'explique que la maison est sûre parce que son mari est du coin et qu'il tient les voleurs à distance mais que même eux se sentent surveillés... D'ailleurs mes collègues ne voulaient pas me laisser traverser le village seule le soir (c'est pas toujours facile d'être une femme, je vous le dis!) et s'assuraient que je rentrais avant la nuit ou m'accompagnait jusqu'au pas de la porte. Enfin, la touche finale c'est l'adresse 100% 'Afrique'; je ne sais pas si le courrier arrive toujours lorsqu'on écrit: 'boîte au lettre rose, 5 rue près du lotissement SIM 97600 Tsounzou'. Du coup, je ne suis pas restée plus de trois semaines et je vis maintenant dans l'appartement de l'une de mes collègues à Mamoudzou. Ce n'est pas le 'ghetto blanc' (je ne pense pas que ce soit mieux pour éviter les voleurs) mais  qui permet une transition un peu plus douce avec nos habitudes d'européens et qui se trouve sur les hauteurs de Mamoudzou, avec vue imprenable sur le lagon! J'entends toujours les coqs me réveiller à 5h du matin et le muezin est plus proche (ou ses haut-parleurs de meilleure qualité) qu'à Tsounzou 1, mais j'ai un lit dont je ne sens pas les lattes dans les hanches, je ne me demande pas si le chat pas toujours très propre va s'installer sur mes vêtements si je laisse la chambre ouverte pour aérer un peu et je peux repasser mes vêtements quand ils sont propres (j'ai bien cru que j'allais me retrouver avec une pile d'affaires propres mais toutes chiffonnées: bonjour l'allure de la nouvelle Maitre de conf'!).

Ce qui me mène au troisième aspect de la comparaison: le travail. J'ai attaqué les cours (oui, vraiment) une semaine après mon arrivée: j'ai pour mon premier semestre 137 heures d'enseignement répartis entre les cours magistraux (CM), les travaux dirigés (TD) et les travaux pratiques (TP), l'essentiel au sein de deux modules dont je suis entièrement responsable sur la physiologie végétale et l'écologie. Ces deux modules sont destinés au étudiants de deuxième année, la première promotion du CUFR. On m'avait prévenu, le niveau n'est pour l'instant par formidable mais on voit qu'il y a plein de bonne volonté, ce qui change des étudiants écossais qui étaient parfois complètement blasés et inertes. J'ai aussi de la chance de commencer avec une toute petite promo puisqu'ils ne sont que 13: j'arrive à peine à préparer mes cours ou TP/TD à temps pour chaque session alors si en plus j'avais 50 ou 100 copies à corriger à chaque TP/TD, je ne sais pas comment je pourrais m'en sortir… La différence par rapport à mon arrivée à St Andrews, c'est qu'ici je sais exactement quels sont mes objectifs: cela ne veut pas dire que tout est facile mais au moins je sais où je vais. Par contre, j'ai retrouvé les journées chargées que j'avais à mon arrivée à St Andrews, décalées une heure plus tôt: réveil à 5h30 pour arriver au CUFR à 7h (techniquement, même un peu avant lorsque mes cours commencent justement à 7h) et fin de journée vers 17h-17h30, tout ça sans les deux pauses café de 30 minutes matin et après-midi. Du coup, moi qui me plaignait des britanniques qui mangent trop tôt, j'arrive à la maison vers 18h affamée et ravie de finir de dîner avant 20h pour me détendre un peu avant d'aller me coucher vers 21h-21h30 au plus tard! Même quand le réveil ne sonne pas, je me lève toute seule à 7h. Je n'ai vraiment plus rien de l'oiseau de nuit que j'étais... L'avantage c'est que toute l'ile est plus ou mois sur ce rythme: autant les journées sont bruyantes, autant le bruit disparait presque entièrement à cette heure là; même à la ville (Tsounzou 1 est plutôt un village) l'ambiance est plus calme qu'en métropole. Evidemment, cela reste plus bruyant qu'à St Andrews, surtout les soirs d'hivers où la vie n'est plus que devant les téléviseurs ou au pub!

Autre différence avec St Andrews: ici, pas de cafés où l'on s'enfonce pour manger une pâtisserie trop riche. Par contre, je peux ENFIN me baigner!!!! Car au cas où je ne l'avais pas encore précisé, j'ai passé quatre ans entre Dublin et St Andrews à vivre au bord de mers bien trop froide pour aller plus loin que les chevilles au plus chaud de l'été!! Alors, même si le boulot m'occupe bien les weekends, je me suis organisée quelques jours de vrai détente façon vacances au soleil, sauf que c'est juste le weekends! Le premier samedi, je suis allée faire une randonnée avec 'les Naturalistes' sur Petite Terre: superbes vues, grosse balade et très bonne baignade au milieu des tortues! Puis hier, j'ai profité que j'allais visiter une maison à Sada, sur la côte ouest, plus au centre de l'île, pour tirer jusqu'à la pointe sud-ouest et découvrir la plage de Ngouja: très agréable, la route est assez bonne mais il faut compter presque 1 heure de route pour rentrer sur Mamoudzou: ce sera donc à refaire en famille mais en prévoyant le pique-nique pour vraiment en profiter! Quoi qu'il en soit, la mer était délicieusement fraîche et la plage pas du tout bondée et dans un cadre tout à fait typique, à l'ombre des palmiers! Là, si je ne vous fais pas envie...


Enfin, je termine la comparaison avec la gastronomie. Evidemment pas de haggis (que nous avons appris à améliorer par rapport à ma première dégustation) mais des légumes du soleil et des fruits tropicaux. Les ananas sont parfumés et sucrés comme des bonbons, je pense que je ne pourrais plus jamais en manger en métropole! J'ai également découvert les 'brochettis' avec leur poulet grillet parfumés aux épices locales et les achards: c'est une sorte de sauce de légumes (oignons surtout) et fruits (tomates ou citrons) macérés dans du piment, un peu l'équivalent du rougail réunionnais et qui accompagne justement très bien les grillades. Ici, l'essentiel des légumes sont vendues sur le bord des routes des villages, par les 'bouénis' ('jeune femme' ou 'dame' en mahorais): ce n'est une production que relativement locale (certains produits viennent de Madagascar), mais c'est toujours mieux que les supermarchés britanniques avec leur butternut de Panama et leur courgette des Pays-bas!


Voilà pour ces premières impressions. Maintenant je compte les jours qui restent avant l'arrivée de Jeff et Inès pour qu'ils partagent enfin cette nouvelle aventure avec moi!

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